L’extension d’approbation de la Dimoxystrobine devant la CJUE

  18 juillet 2022

Jeudi 7 juillet 2022, notre partenaire PAN Europe a attaqué devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) la nouvelle extension d’approbation du pesticide toxique Dimoxystrobine, accordée par la Commission européenne. L’association entend dénoncer la pratique courante de ré-approbation systématique de pesticides dangereux de la part de l’institution européenne, sans aucune ré-évaluation adéquate des produits.

Voici la traduction du communiqué de presse de PAN Europe.

“PAN Europe a déposé une plainte officielle auprès de la Cour de justice de l’UE. Nous contestons la 6ème extension d’approbation accordée au fongicide « Dimoxystrobine ». Ce produit chimique figure sur la liste des pesticides les plus toxiques qui auraient dû être interdits depuis des années. Avec cette affaire, PAN Europe entend contester la pratique systématique de la Commission consistant à accorder des prolongations consécutives de plusieurs années à des pesticides dangereux, sans aucune réévaluation appropriée. 

Hans Muilerman, responsable des produits chimiques à PAN Europe, déclare : “La législation européenne est claire : une décision sur la ré-approbation de la dimoxystrobine aurait dû être prise en 2016. C’est l’un des pesticides les plus dangereux de l’UE : il est classé comme probablement cancérigène et toxique pour la reproduction, ainsi que persistant dans l’environnement. La DG Santé continue de le prolonger, depuis 6 ans maintenant, à l’encontre des règles, et malgré les conclusions publiées en 2017 par l’État membre rapporteur selon lesquelles cette substance ne devrait pas être ré-approuvée”.

Les réévaluations retardées et les prolongations d’approbation des pesticides au niveau de l’UE sont un modèle standard. À titre d’illustration, 136 pesticides ont fait l’objet d’une prolongation au titre de l’article 17 en 2021 (ce qui représente près de 30 % de tous les pesticides actuellement approuvés par l’UE), alors que seulement 10 décisions concernant le (non-)renouvellement des substances actives ont été adoptées la même année. Même pour les substances classées les plus dangereuses, appelées « candidats à la substitution », les extensions d’approbation sont également la norme : les extensions sont accordées pour une durée maximale de 9 ans. Déjà 108 extensions – uniquement dues à des évaluations retardées – ont été accordées depuis 2011 à 39 des 54 pesticides de la liste des candidats approuvés pour la substitution .

Angela Rupp, chargée de campagne de PAN Europe, explique : “Au cœur de l’action en justice de PAN Europe, nous remettons en question l’utilisation illimitée de l’article 17 du règlement 1107/2009/CE sur les pesticides. Au lieu de respecter le délai de trois ans pour ré-évaluer et décider de la ré-approbation ou non d’un pesticide, la Commission européenne et les États membres continuent de traîner les pieds. Des pesticides toxiques qui auraient dû être réévalués il y a près de 10 ans sont toujours sur le marché sans aucune réévaluation de leur toxicité. Cette pratique va à l’encontre de l’objectif et du but déclarés de la réglementation européenne sur les pesticides. Après tout, les législateurs ont fixé des délais stricts pour examiner régulièrement la toxicité des pesticides afin de protéger la santé des personnes et l’environnement. L’article 17 ne peut être considéré comme une excuse pour les ignorer complètement.” 

L’exemple suivant d’utilisation abusive de cet article figure à l’ordre du jour du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (Scopaff) des 14 et 15 juillet, où la Commission européenne propose de prolonger une série de substances hautement toxiques telles que le dicamba, la deltaméthrine ou le chlorotoluron. En outre, le fongicide 8-hydroxyquinoline a été classé comme toxique 1B pour la reproduction depuis 2016, ce qui signifie qu’il devrait être interdit. Mais la Commission européenne propose de continuer à le prolonger, pour la 6e année, exposant ainsi les femmes enceintes à un pesticide reprotoxique.

Hans Muilerman conclut : “Ce qui devrait être l’exception est devenu une pratique standard systématique. Le non-respect des délais de ré-évaluation, tant au niveau des États membres que de la Commission, ressemble à une stratégie visant à maintenir sur le marché des substances toxiques, au profit de l’agrobusiness. Le règlement sur les pesticides est clair : la priorité doit être donnée à la protection de la santé des personnes et de l’environnement. Nous espérons que les juges corrigeront cette mauvaise administration.”

Contexte juridique

En octobre 2021, le règlement d’Aarhus a été modifié (règlement 2021/1767/CE), donnant la possibilité à la société civile de contester les autorisations de pesticides au niveau de l’UE. Jusqu’alors, la manière dont l’UE avait transcrit la convention d’Aarhus dans la législation européenne (règlement 1367/2006/CE) ne permettait pas de telles actions. À la suite de plaintes déposées par la société civile devant le comité de conformité du comité d’Aarhus, la Commission européenne a été obligée de réviser sa législation afin d’accorder un accès plus large à la justice aux citoyens.

Candidats à la substitution

L’UE a inscrit les pesticides hautement toxiques sur la liste des « candidats à la substitution« . En 2009, il a été convenu que cette catégorie de produits chimiques devait être remplacée par des alternatives plus sûres. Cependant, leur utilisation est prolongée d’année en année et PAN Europe a récemment révélé dans le rapport Forbidden Fruit que le niveau de résidus de cette catégorie a augmenté dans les fruits et légumes. PAN Europe fait campagne pour interdire les 12 produits les plus toxiques immédiatement et tous les autres au plus tard en 2030. »