Affaire Hardeman Contre Monsanto : Monsanto condamné à payer plus de 80 millions de dollars

  27 mars 2019

27 mars 2019, San Francisco, un jury de 6 personnes a accordé plus de 80 millions de dollars de dommages-intérêts à Mr. Edwin Hardeman, un paysagiste californien atteint de lymphome non hodgkinien suite à son utilisation de Roundup pendant des années, dans l’affaire Hardeman Contre Monsanto. C’est la deuxième fois que Monsanto est condamné à des millions de dollars de dommages et intérêts, parce que son herbicide phare, le Roundup, a été jugé responsable de la survenue de lymphome non hodgkinien et que la compagnie n’a cessé de nier la toxicité de son produit, d’influencer les organes de règlementation, d’attaquer les scientifiques qui remettaient en cause l’innocuité de son herbicide et a refusé de procéder aux recherches nécessaires lorsque les alertes ont été données, et bien sûr d’étiqueter son produit comme probablement cancérigène. Ces 2 verdicts unanimes sont un encouragement énorme pour les plus de 11.000 cas en attente de jugement, et pour que les gouvernements du monde entier interdisent le Roundup, à l’instar du Vietnam qui a déclaré son interdiction dès la reconnaissance par le jury californien du lien entre le Roundup et le lymphome.

En particulier, ce jugement est très significatif, car les conditions de ce procès devant la cour fédérale de San Francisco étaient beaucoup plus favorables à la compagnie que dans le cas précédent Dewayne Johnson contre Monsanto. En effet, le juge Vince Chhabria avait accepté la requête de Monsanto de « bifurquer » le procès, c’est-à-dire de le mener en 2 phases. La première phase ne devait considérer que les éléments scientifiques pour décider si le Roundup était une cause prépondérante de la survenue du lymphome non hodgkinien de Mr. Hardeman, et seulement si la réponse était positive, le procès pouvait entamer une 2ème phase concernant la conduite de Monsanto et le montant des dommages et intérêts punitifs et compensatoires. De plus, même dans cette phase étaient exclus, encore à la demande de Monsanto, tous les documents relatifs à ses activités pour discréditer les critiques et influer sur les décisions règlementaires après 2012, arguant que Mr. Hardeman avait cessé d’utiliser le Roundup à cette date. En particulier, tous les « Monsanto papers » qui dévoilaient la stratégie de Monsanto pour discréditer le CIRC, qui avait déclaré le glyphosate probablement cancérigène en 2015, ou l’étude de 2012 de l’équipe du Dr. Gilles-Eric Séralini, du CRIIGEN.

Malgré ces limites imposées par le tribunal, le jury a unanimement considéré que les éléments scientifiques prouvaient sans équivoque que le Roundup provoquait le cancer, puis que la conduite de Monsanto (ghostwriting, manipulation des données, fraude scientifique) était malhonnête et que la direction de Monsanto avait agi «avec malveillance» et sciemment négligé la sécurité. Pour ces raisons, il condamne Monsanto à verser 75 millions de dollars de dommages « punitifs » en plus de 5,3 millions de dollars de dommages destinés à compenser les dépenses de santé et les pertes économiques passées et à venir du plaignant ainsi que sa souffrance morale.

Les avocates de Mr. Hardeman, Aimee Wagstaff et Jennifer Moore ont considéré que ce verdict était historique et que Monsanto doit changer ses pratiques commerciales dès maintenant. Elles se déclarent déterminées à continuer à se battre et à porter les dossiers devant les tribunaux. Justice Pesticides les félicite chaleureusement et se réjouit de cette étape cruciale vers un arrêt du Roundup.