< Retour aux actualités Doubles standards et pesticides dangereux de Bayer et BASF, rapport disponible en 4 langues ! 19 août 2021 Le rapport de PAN Germany (Pesticide Action Network), membre de notre partenaire PAN Europe, du réseau INKOTA et de la fondation Rosa Luxemburg, sur la pratique honteuse d’exporter des pesticides interdits en Europe (doubles standards), publié en allemand en avril 2021, est désormais disponible en anglais, espagnol, et portugais. Un de ses auteurs, Dr Peter Clausing, est administrateur de Justice Pesticides. Le rapport examine le commerce mondial des substances actives de pesticides interdites dans l’Union européenne (UE) en se concentrant sur les produits commercialisés par les deux géants allemands de l’agrochimie, Bayer et BASF. Il démontre que ces deux compagnies continuent de commercialiser dans les pays du Sud des pesticides et des ingrédients actifs qui ne sont pas approuvés, ou qui sont même interdits, dans l’UE en raison des risques qu’ils présentent pour l’environnement ou la santé humaine. Ces pratiques commerciales immorales sont légales au sein de l’UE, mais de plus en plus critiquées comme étant des doubles standards. La liste des ingrédients actifs hautement dangereux pour la santé humaine qui se sont répandus dans le monde entier par l’intermédiaire de Bayer et de BASF est longue. Ces deux compagnies sont responsables de la commercialisation et, dans certains cas, du développement d’au moins 33 substances actives de pesticides représentant une menace importante pour notre santé. Selon le rapport, Bayer a développé et/ou mis sur le marché 22 ingrédients actifs de pesticides extrêmement toxiques. Sept de ces ingrédients relèvent de la classe 1A de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et 15 de la classe 1B. BASF a développé et/ou mis sur le marché trois matières actives considérées comme très dangereuses (classe 1B de l’OMS). De plus, Bayer et BASF produisent chacune quatre ingrédients actifs qui peuvent causer des dommages à long terme et sont par conséquent interdits dans l’Union européenne. Le rapport explique comment la commercialisation de ces substances actives fabriquées par Bayer et BASF est rendue possible dans les pays du Sud et répertorie les produits de Bayer et de BASF contenant des substances actives interdites dans l’UE et pourtant vendues dans d’autres régions du monde. L’étude de cas se fonde plus particulièrement sur trois pays : l’Afrique du Sud, le Brésil et le Mexique. L’opacité des pratiques commerciales en la matière rend complexe l’identification de l’entreprise ayant produit et fourni l’ingrédient actif que l’on retrouve sur l’étiquette du pesticide. En effet, la transformation des ingrédients actifs en pesticides par d’autres sociétés agrochimiques ou l’acquisition par Bayer et BASF d’ingrédients actifs par le biais de fusions et d’acquisitions d’autres sociétés ne permettent pas d’identifier avec certitude le fabricant de ces ingrédients. Par exemple, au Brésil, il a été prouvé dans un cas que Bayer fabrique l’ingrédient actif interdit, sans vendre toutefois le produit fini formulé à partir de cet ingrédient. Certains pays, comme l’Afrique du Sud, ne produisent pas les principes actifs des pesticides, ce qui signifie qu’ils importent l’intégralité des ingrédients actifs nécessaires. Un marché attractif pour les sociétés agrochimiques Le rapport relève qu’en 2018, cinq des plus grandes sociétés agrochimiques (Bayer, BASF, Corteva, FMC, Syngenta) ont réalisé 35% de leurs ventes avec des pesticides comprenant des substances extrêmement toxiques pour la santé ou l’environnement. Selon une enquête de l’association Public Eye et la cellule enquête de Greenpeace UK, Unearthed, environ 60% des ventes de ces produits dangereux étaient destinées aux pays dits en développement et émergents. Des bénéfices réalisés au détriment de la protection de la santé humaine et de l’environnement Les auteurs du rapport n’ont pas obtenu de réponse des principales usines fabriquant des pesticides au Mexique et en Afrique du Sud sur l’origine des ingrédients actifs des pesticides commercialisés sur leur marché. Les entreprises se contentent d’affirmer que leurs produits sont sûrs s’ils sont utilisés correctement. Cette affirmation est cependant très éloignée de la réalité dans les pays du Sud. Dans de nombreux cas, les équipements de protection nécessaires sont soit indisponibles, soit trop chers, soit peu pratiques en raison des conditions climatiques. En outre, certains agriculteurs ne peuvent pas lire ou comprendre les informations figurant sur l’emballage concernant l’application des produits. Les fabricants de pesticides en sont bien conscients, mais ils profitent de la faiblesse des réglementations dans les pays du Sud pour faire des bénéfices avec des pesticides hautement dangereux, au détriment des êtres humains et de l’environnement. Que dit la réglementation des ingrédients actifs commercialisés par Bayer et BASF ? Il n’existe à ce jour aucune réglementation contraignante pour empêcher l’exportation de ces ingrédients actifs interdits au sein de l’Union européenne. Le règlement 649/2012 du 4 juillet 2012 permet l’exportation de certaines substances actives des pesticides si les pays importateurs sont informés et acceptent de les importer. Le 14 octobre 2020, la Commission européenne a adopté la stratégie de l’Union européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques, qui prévoit d’interdire l’exportation de produits chimiques interdits dans l’Union européenne, mais sans précision du type de produits chimiques, ni calendrier. Le 5 novembre 2020, plus de 70 ONG européennes et internationales, dont Justice Pesticides, ont écrit à la Commission européenne pour mettre fin à la pratique d’exporter des pesticides interdits au sein de l’UE dans les pays du Sud. Dans sa réponse du 9 décembre 2021, celle-ci réaffirme son intention de mettre fin à la pratique du double standard, mais ne se montre guère plus précise. Dans l’UE, seule la France s’est dotée d’une loi nationale qui prévoit l’interdiction d’exportation des pesticides interdits en France à partir de 2022. Saisi par le lobby de l’agrochimie qui estimait que l’interdiction d’exportation de certains pesticides contenant des substances actives non approuvées par l’UE serait contraire à la liberté d’entreprendre, le Conseil Constitutionnel a estimé au contraire que la loi était conforme à la Constitution et que le législateur avait assuré une conciliation équilibrée entre la liberté d’entreprendre et les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et de la santé. D’autres pays européens, dont l’Allemagne, pourraient adopter des dispositions similaires. Le nécessaire renforcement de la transparence et de la réglementation Les conclusions du rapport sont sans appel : le marché mondial des pesticides manque cruellement de transparence. En l’absence de réglementation claire, les entreprises se cachent trop souvent derrière le secret commercial. L’interdiction de l’exportation d’ingrédients actifs classés comme dangereux est nécessaire et la réglementation internationale en matière de commerce des pesticides doit être renforcée. La mise en place par l’OMS et la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) d’une liste des ingrédients actifs des pesticides classés comme dangereux pourrait constituer le fondement d’une réglementation contraignante à l’échelle internationale.