QPC N°2019-823, du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes

2019-823 QPC / CE 433460
07 novembre 2019
Jugement définitif
France, Paris

Acteurs économiques
Union des industries de la protection des plantes (UIPP)
Etat
Benoist Busson (pour FNE)

Constitutionnel
Autre
Déclarer que l’interdiction prévue en 2022 de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques n'est pas conforme à la Constitution.
Conseil Constitutionnel de Paris, France

31 janvier 2020
Positif
Le paragraphe IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, est conforme à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-938 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, dite loi EGALIM.

L’article L.253-8 dispose que “Sont interdits à compter du 1er janvier 2022 la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l'environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précitée, sous réserve du respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce.”

Les substances actives non approuvées sont celles qui, à la suite de leur évaluation par l’agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), font l’objet d’un règlement d’exécution portant non approbation ou non renouvellement de leur autorisation d’approbation, pour un motif de dangerosité environnementale ou sanitaire, comme l'énonce la circulaire d'application du 23 juillet 2019. Cette circulaire a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir par l’Union des Industries de la protection des plantes (UIPP). A cette occasion, l’UIPP a présenté la QPC au Conseil d’Etat, qui a décidé de la renvoyer au Conseil constitutionnel, le 7 novembre 2019.

Selon l’UIPP, l’interdiction de vente et d’exportation énoncée porte atteinte à la liberté d’entreprendre garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et cette atteinte serait sans lien avec un objectif de protection de l’environnement et de la santé dans la mesure où les pays importateurs pourraient toujours s’approvisionner auprès de pays tiers et qu’en conséquence, l’impact sur la santé ou l’environnement des pays tiers à l’Union européenne serait le même.

Dans sa décision en date du 31 janvier 2020, le Conseil Constitutionnel juge au contraire que le législateur a porté à la liberté d’entreprendre une atteinte qui est bien en lien avec les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l’environnement poursuivis.

Il érige ainsi à partir du préambule de la Charte de l’Environnement, un nouvel objectif à valeur constitutionnelle, c’est-à-dire un but assigné par la Constitution au législateur : la “protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains”. L’environnement étant entendu comme le patrimoine commun des êtres humains, le législateur est fondé à prendre en compte les effets environnementaux des activités exercées en France à l'échelle planétaire, quand bien même ces effets seraient restreints par le comportement des autres entreprises non françaises.

En érigeant en objectif à valeur constitutionnelle la protection de l’environnement, le Conseil constitutionnel reste fidèle à sa jurisprudence QPC n° 2014-394 du 7 mai 2014, Société Casuca, selon laquelle les 7 alinéas qui composent le Préambule de la Charte de l’Environnement n'instaurent ni de droit, ni de liberté que la Constitution ne garantit, et ne sont donc pas invocables en QPC. Il s’agit de normes sur le fondement desquelles le législateur peut apporter des restrictions à des tels droits ou libertés constitutionnels.

L'entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2022 de l'interdiction de production, de stockage ou de circulation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées est donc jugée conforme à la Constitution.