France : La protection des personnes à proximité des zones d’épandage des pesticides encore à réaliser

  26 janvier 2022

Dans une décision du 26 juillet 2021, le Conseil d’Etat avait ordonné au Gouvernement de compléter, dans un délai de 6 mois, les règles d’utilisation des pesticides, afin de mieux protéger la population. C’est dans le respect in extremis du délai imparti, le 26 janvier 2022 que sont parus au Journal officiel un arrêté et un décret relatifs aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation. Ces textes sont très en deçà des attentes des associations et ne répondent pas aux exigences du Conseil d’Etat.

Tout d’abord, le Gouvernement ne respecte pas la décision du Conseil d’Etat qui lui enjoint d’augmenter les distances minimales, fixées à 5 mètres pour les cultures basses, entre les habitations et les zones d’épandage de produits qui sont suspectés d’être cancérogènes, mutagènes ou toxiques. Il se contente de renvoyer la question de ces distances minimales à la mise à jour des autorisations desdits produits par l’ANSES “avec pour objectif que des distances de non-traitement soient fixées pour l’ensemble de celles-ci d’ici le 1er octobre 2022”. Le Gouvernement s’offre donc sans vergogne un délai supplémentaire pour se plier à la décision de la plus haute juridiction administrative française.

Toutefois, le Gouvernement respecte la décision du Conseil d’Etat que les mesures de distances minimales de sécurité, appliquées aux personnes habitant à proximité des zones d’épandage, soient étendues aux personnes travaillant à proximité de ces zones. Les distances minimales de sécurité en matière de pesticides devront s’appliquer désormais aux “lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière à proximité de ces traitements”.

Mais si le Gouvernement semble répondre à la demande du Conseil d’Etat de rendre obligatoire, et non plus facultatif, l’information des résidents et des personnes présentes[1] à proximité des zones d’épandage en amont de l’utilisation des pesticides, cette information doit s’opérer par le biais des chartes d’engagement à l’échelle départementale, au sein desquelles les mesures de protection sont fixées par les utilisateurs de pesticides. Les chartes d’engagement ne devant être publiées que dans les six mois à compter de la publication du décret, l’information des personnes tardera donc encore à être réalisée, comme l’observe notre partenaire Générations Futures.

Surtout, ces chartes d’engagement, dont les modalités d’élaboration et d’adoption ont été modifiées par le décret du 25 janvier, confèrent le sentiment que le Gouvernement se désengage d’un enjeu majeur de santé publique, en s’abstenant d’une part, d’établir un cadre national véritablement protecteur des personnes résidant ou travaillant à proximité des zones d’épandage des pesticides et d’autre part, en laissant miroiter que ces personnes pourront contribuer à l’élaboration de ces chartes. Mais les observations et propositions recueillies à l’issue d’une consultation du public n’ayant aucun caractère contraignant pour l’autorité compétente pour valider les chartes, à savoir le préfet, on peut douter que cette consultation améliore la protection des personnes.

Face aux dangers de l’utilisation des pesticides pour les personnes à proximité des zones d’épandage, qui demeurent malgré la parution de ces deux textes, les associations françaises, parmi lesquelles Générations futures, étudient les possibilités de recours en justice contre ces textes. Notre partenaire Agir pour l’environnement a d’ores et déjà saisi le Conseil d’Etat dans le cadre d’une procédure en référé suspension.

 

[1] Selon le règlement (UE) 284/2013, “on entend par personnes présentes les personnes qui se trouvent fortuitement dans un espace où un produit phytopharmaceutique est ou a été appliqué, ou dans un espace adjacent, à une fin autre que celle de travailler dans l’espace traité ou avec le produit traité; et les résidents sont des personnes qui habitent, travaillent ou fréquentent une institution à proximité des espaces traités avec des produits phytopharmaceutiques, à une fin autre que celle de travailler dans l’espace traité ou avec les produits traités.”