Société ULD Europe LTD c. ANSES

1910312
19 novembre 2019
Jugement définitif
France, Melun

Acteurs économiques
Société ULD Europe LTD, représentée par la SCP Célice, Texidor et Périer.
ANSES
Non renseigné

Administratif
Annulation
Fongicide, Mancozèbe, Carbamate
Annuler la décision de l’ANSES refusant l’autorisation de mise sur le marché du “Mastana SC” par reconnaissance mutuelle de l'autorisation délivrée par les autorités du Royaume-Uni, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cette première décision; Condamner l’ANSES à verser à la société la somme de 1. 830 000 euros au titre du préjudice qu’elle estime avoir subi.
Tribunal administratif de Melun, France
Première Instance

30 novembre 2023
Positif
La requête de la société UPL Europe LTD est rejetée.

Dans un jugement en date du 30 novembre 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la société UPL Europe LTD, tendant à l’annulation de la décision de l’ANSES, l’agence française chargée de l’homologation des produits phytopharmaceutiques, par laquelle celle-ci a refusé d’autoriser la mise sur le marché (AAM) du “Mastana SC”, par reconnaissance mutuelle de l'autorisation délivrée par les autorités du Royaume-Uni.

La société UPL Europe LTD a présenté, le 3 août 2018, une demande d’AAM du “Mastana SC”, fongicide à base de mancozèbe (substance active appartenant à la famille des carbamates), destiné à être utilisé pour la culture du blé, du triticale et de l’épeautre, selon la procédure de reconnaissance mutuelle prévue aux articles 40 à 42 du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009. L’ANSES a refusé cette demande au motif que l’évaluation de l'État de référence, à savoir le Royaume-Uni (zone Nord), ne couvrait pas, pour la zone Sud de l'Europe à laquelle la France est en partie rattachée, les exigences réglementaires pour les résidus de pesticides dans ou sur les denrées, ainsi que celles prévues par les documents guides en vigueur pour les sections environnement et écotoxicologie. Le risque d’effet nocif pour la santé humaine ne pouvait donc être écarté, compte tenu des circonstances agro-pédo-climatiques existantes sur le territoire français, en raison de l’absence d’évaluation des données relatives aux résidus dans la zone Sud pour le mancozèbe.

Selon la société requérante, l’ANSES n'a pas justifié de circonstances susceptibles de fonder une telle décision au regard du règlement (CE) n°1107/2009. En vertu de ce règlement, tout Etat membre, saisi d’une demande d’AAM d’un produit phytosanitaire ayant déjà été homologué par un autre Etat membre, est tenu, selon le principe de reconnaissance mutuelle, de délivrer l'autorisation dans les mêmes conditions que celles de l’AAM accordée par l’Etat de référence, sauf à imposer des conditions spécifiques d’utilisation en application des articles 36 § 3 et 31 § 3 et 4 dudit règlement, ou à démontrer que le produit phytopharmaceutique présente un risque inacceptable pour la santé humaine, animale et pour l’environnement. Par ailleurs, la société reprochait à l’ANSES de ne pas lui avoir demandé de compléter le dossier après son refus.

Après avoir rappelé l’économie générale de la réglementation européenne des produits phytosanitaires, le Tribunal administratif apporte d’utiles précisions sur les conditions de la reconnaissance en France de l’autorisation d’un produit phytosanitaire donnée dans une autre zone de l’Union européenne.

Tout d'abord, le Tribunal souligne, dans le cas d'une demande d'AAM interzonale (deux zones différentes), le caractère plus étendu du pouvoir d’appréciation de l'ANSES. A l'inverse, dans le cas d'une demande intrazone, il existe une “présomption de comparabilité” quant aux conditions agricoles, phytosanitaires, environnementales, et climatiques, qui limite la marge de manoeuvre de l’Etat destinataire de la demande, de sorte qu’il sera nécessaire pour cet Etat, de justifier un éventuel refus par la preuve de “circonstances” ou de “caractéristiques” particulières.

De plus, le Tribunal relève que l’ANSES n'est tenue de ne procéder qu’à un « examen » des données du produit évaluées par l’État membre de référence, et non de procéder à une nouvelle évaluation de ces données ou de données complémentaires, lorsque l'évaluation est incomplète.

Ainsi, le Tribunal retient que la décision de refus de l'AAM pouvait légalement fondé, pour toute la France, sur le constat de l’absence d’évaluation d’étude relative aux résidus chimiques résultant des usages envisagés de ce produit dans la zone Sud de l’Europe à laquelle appartient le Sud de la France, même si une telle évaluation existait pour la zone Nord de l’Europe à laquelle appartient le Nord de la France.