PAN Europe c. College voor de toelating van gewasbeschermingsmiddelen en biociden

C-308/22 ; C-309-22 ; C-310/22
10 mai 2022
Non jugée
Union européenne, Luxembourg

ONG environnementales
Pesticide Action Network Europe (PAN Europe)
Comité Néerlandais d'autorisation des produits phytopharmaceutiques et biocides
Maarten Baneke

Administratif
Renvoi préjudiciel
Fludioxonil, Difénoconazole, Sulfoxaflor, Closer, Dagonis, Pitcher, Fongicide, Insecticide
Mise en cause de la méthode d’homologation des produits pesticides par le gouvernement néérlandais : PAN Europe demande à ce que les autorisations soient examinées et actualisées à la lumière des connaissances et découvertes scientifiques les plus récentes.
Cour de justice de l’Union européenne de Luxembourg, Union européenne
Question préjudicielle

Le 3 mai 2022, la cour d’appel du contentieux administratif en matière économique (“College van Beroep voor Het Bedrijfsleven”) a décidé de renvoyer trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d'un contentieux relatif au renouvellement d’autorisations de mise sur le marché de trois produits phytopharmaceutiques à base de fludioxonil (Pitcher), de difénoconazole et de fluxapyroxad (Dagonis), ainsi que de sulfoxaflor (Closer).

Elles portent notamment sur la répartition des compétences des autorités impliquées dans l’autorisation des produits phytopharmaceutiques en vertu du règlement no 1107/2009, et plus particulièrement sur la question de savoir si et comment les connaissances scientifiques et techniques les plus récentes doivent être prises en considération dans le cadre de cette procédure d’autorisation.

En effet, PAN Europe reproche au Comité Néerlandais d'autorisation des produits phytopharmaceutiques et biocides (College voor de toelating van gewasbeschermingsmiddelen en biociden ou “CTGB”) en charge du processus d'homologation des pesticides, d’adopter des méthodes d'évaluations volontairement anciennes, inadaptées, alors que le recours à des méthodes plus actuelles démontrent que plusieurs des produits autorisés sont en fait au-delà des seuils européens d’acceptabilité des risques pour la santé et l’environnement.

Plus précisément, en ce qui concerne le fludioxonil et le difénoconazole, PAN Europe fait grief au CTGB de ne pas avoir pris en compte les récentes études scientifiques démontrant le caractère de perturbateur endocrinien de ces deux substances lors du processus de renouvellement de l’homologation. Pour PAN Europe, la réglementation européenne, en ce qu’elle demande aux Etats membres de prendre en compte “l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques” et notamment les possibles “effets perturbateurs endocriniens pouvant être néfastes pour l’homme”, exige que le processus d’homologation national soit actualisé à l’aube de nouvelles découvertes scientifiques. Concrètement, cela signifie que même lorsqu’une substance a été autorisée, une nouvelle découverte sur des effets potentiellement nocifs pour la santé humaine ou l’environnement doit résulter en un réexamen actualisé de la toxicité de la substance et, in fine, de son homologation. En ce qui concerne le sulfoxaflor, PAN Europe considère que le CTGB n'a pas utilisé la documentation la plus récente sur les effets néfastes du produits pour les abeilles.

Dans ses conclusions en date du 28 septembre 2023, l’avocate générale auprès de la CJUE, Leila Medina, a tranché en faveur de l’association requérante. Elle adopte les positions suivantes:

D’une part, elle rappelle qu’un Etat membre peut, s’il considère au regard des “développements des connaissances scientifiques et techniques”, qu’un pesticide, dont la substance active a été autorisée par l’Union européenne (UE), est nocif pour la santé humaine ou l’environnement, refuser d’homologuer un produit contenant cette substance, modifier ou retirer une homologation préalablement accordée. Pour ce faire, les Etats membres ne sont pas limités aux documents d’orientation fournis par l’UE, et peuvent se référer à toute source scientifique actuelle et pertinente.
Ainsi, dans l’évaluation d’une demande d’homologation d’un produit phytopharmaceutique, "un État membre doit tenir compte de toute connaissance scientifique et technique actuelle (c’est-à-dire la plus récente), pertinente et fiable, indépendamment de la source ou du document dont elle est issue”. Cela suppose qu’un Etat membre puisse s’écarter de l’évaluation effectuée par l’UE ou par l'État membre rapporteur de la zone pour décider, sur la base de la documentation pertinente, qu’un produit est suffisamment nocif pour ne pas être homologué.

D’autre part, en se fondant sur l’arrêt Blaise précédemment rendu par la CJUE (C-616/17), selon lequel “il incombe aux autorités compétentes, en particulier, de tenir compte des données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que des résultats les plus récents de la recherche internationale”, l’avocate générale retient qu’un produit phytosanitaire ne peut être approuvé que si, en l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, il n’a pas d’effet nocif pour la santé et l’environnement. Il résulte de cela que les connaissances scientifiques prises en compte dans l’évaluation des effets de la substance doivent être les plus récentes. Cette interprétation est conforme avec le principe de précaution consacré à l’échelle européenne.

L’avocate générale affirme également que l'homologation d’un produit par les autorités nationales ne constitue pas la continuité directe de l’autorisation de la substance active par la Commission, de sorte que l’autorisation de la Commission ne se traduit pas automatiquement par l’homologation de tous les produits contenant la substance active à l’échelle nationale.

Si la CJUE n’est pas tenue par les conclusions de l’avocate générale, il n’en reste pas moins qu’elles témoignent d’une tendance encourageante pour la décision à venir.