National Association of Wheat Growers et al c. Bonta

20-16758
19 avril 2023
Jugement définitif
États-Unis, Californie, San Francisco

Acteurs économiques
Wheat Growers, National Corn Growers Association, U.S. Durum Growers Association, Western Plant Health Association; Missouri Farm Bureau, Iowa Soybean Association, South Dakota Agri-Business Association, North Dakota Grain Growers Association, Missouri Chamber of Commerce and Industry; Monsanto Company, Associated Industries of Missouri, Agribusiness Association of Iowa, Croplife America, Agricultural Retailers Association.
Procureur.e général.e de l’Etat de Californie, Office Californien d'évaluation des risques pour la santé environnementale
Non renseigné

Administratif
Glyphosate, Herbicide
Interdire l'exigence d'avertissement Prop 65 en ce qui concerne la cancérogénicité du glyphosate
Cour d’Appel pour le neuvième circuit de Californie, San Francisco, États-Unis
Appel

07 novembre 2023
Négatif
Le Procureur général de l’Etat de Californie Rob Bonta ne pouvait imposer aux entreprises visées par la Proposition 65 (Prop 65) de mettre en garde les consommateurs de produits à base de glyphosate contre ses effets cancérigènes, sans violer le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis.
Non renseigné

Le 7 novembre 2023, la Cour d’Appel pour le neuvième circuit a fait droit à la demande formulée par plusieurs groupements et syndicats de producteurs agricoles, en interdisant au Procureur général de l’Etat de Californie Rob Bonta d’imposer aux entreprises visées par la Proposition 65 (Prop 65) de mettre en garde les utilisateurs de produits à base de glyphosate contre ses effets cancérigènes.

Adoptée en 1986 par l’Etat de Californie, la Prop 65 ou Loi sur la sécurité de l'eau potable et les produits toxiques impose à certaines entreprises d’indiquer de manière “claire et raisonnable” que le consommateur s’expose “volontairement et intentionnellement” à une substance chimique dangereuse en utilisant le produit visé. En ce qui concerne les substances reconnues comme cancérigènes par l’Etat Californien, les entreprises soumises à cette obligation doivent indiquer que la substance est “connue par l’Etat pour ses effets cancérigènes”. Cette indication peut se faire sous la forme, par exemple, d’un triangle jaune apposé sur l’emballage avec le mot “ATTENTION” (WARNING)” accompagné d’une phrase expliquant que la substance est cancérigène, ou plus simplement du mot “CANCER”.

En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a identifié le glyphosate, une substance herbicide utilisée notamment dans les produits Roundup commercialisés par l’entreprise américaine Monsanto, comme étant “potentiellement cancérigène”. Suite à cela, l’Office Californien d'évaluation des risques pour la santé environnementale (California Office of Environmental Health Hazard Assessment ou OEHHA) a soumis l’ensemble des produits contenant du glyphosate à la Prop 65.

Le 15 Novembre 2017, plusieurs groupes représentant les intérêts de producteurs agricoles américains ont contesté cette décision devant la Cour de District Est de Californie. Ils reprochaient à l’OEHHA d’avoir empiété sur leur liberté d’expression, constitutionnellement consacrée, en leur imposant de commercialiser des produits comme étant cancérigènes alors qu’ils sont persuadés du contraire. Le 6 décembre 2017, les requérants formulent une demande d’injonction préliminaire pour obtenir la suspension de la décision de soumettre le glyphosate aux exigences de la Prop 65.

Le 26 février 2018, la Cour de District fait droit à cette demande. Aux motifs de sa décision, la Cour relève notamment que la formulation selon laquelle “le glyphosate est un produit connu par l’Etat pour être cancérigène” n’est pas suffisamment démontrée dans les faits et n’est pas dénuée de toute controverse. En effet, si le CIRC a reconnu la substance comme étant potentiellement cancérigène, ce n’est pas le cas de l’Agence de Protection de l’Environnement (Environmental Protection Agency ou EPA) et d’autres agences sanitaires dans le monde.

Le 26 mars 2018, le procureur général de l’Etat de Californie a demandé à la Cour de District d’amender son injonction préliminaire et a présenté des propositions alternatives de formulation. Il proposait notamment d’indiquer que seul l’Etat de Californie reconnaît le glyphosate comme cancérigène, sur le fondement des travaux de le CIRC, mais que ce n’est pas le cas de l’EPA et des autres agences de réglementation. La demande du Procureur général est rejetée par la Cour de District en juin 2018.

En septembre 2019, les deux parties ont déposé devant la Cour de District des requêtes pour un jugement sommaire. Les plaignants demandaient une injonction permanente interdisant l'application de l'exigence d'avertissement Prop 65 en ce qui concerne le glyphosate tandis que le Procureur général de Californie demandait à ce que cette demande soit rejetée. En juin 2020, la Cour de District a finalement fait droit à la demande des groupements plaignants, et rejetait celle du Procureur général. Le Procureur Général a donc fait appel de cette décision.

Pour rejeter l’appel, la Cour d’Appel pour le neuvième district a relevé que, toute restriction à la liberté d’expression des entreprises, à moins qu’elle ne soit motivée par des considérations “purement factuelles et non-controversées”, doit satisfaire un “test d’examen intermédiaire” (“intermediate scrutiny test”) aux termes duquel la mesure de restriction est considérée comme étant légale seulement si elle a pour but de protéger un intérêt gouvernemental important et que les moyens utilisés à cette fin sont substantiellement liés à cet intérêt.

En l’espèce, la Cour d’appel a retenu que la position du CIRC et de l’OEHHA quant au caractère cancérigène du glyphosate ne fait pas l’objet d’un consensus scientifique et est minoritaire, de sorte que la restriction à la liberté d’expression n’est pas fondée en l’espèce sur des considérations purement factuelles et non-controversées. D’autre part, si la protection de la santé des citoyens californien constitue bien un intérêt légitime satisfaisant les critères du “test d’examen intermédiaire”, l’Etat californien possédait d’autres moyens de protéger cet intérêt sans impacter la liberté d’expression des entreprises.