Chemours Netherlands BV c. Agence européenne des produits chimiques

C-293/22 P
24 septembre 2019
Jugement définitif
Union européenne, Bruxelles - Belgique

Acteurs économiques
Chemours Netherlands BV
Agence européenne des produits chimiques (ECHA)
ClientEarth AISBL (Belgique), ClientEarth (Royaume-Uni), CHEM Trust Europe (Allemagne), et al.

UE
Annulation
PFAS, GenX, HFPO-DA
Annuler le jugement du TUE confirmant la validité de la décision prise par l’ECHA le 4 juillet 2019 qui inclut l’acide 2,3,3,3‑tétrafluoro‑2‑(heptafluoropropoxy)propionique (ou HPFO-DA) dans la liste des substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement REACh.
Cour de justice de l'Union européenne de Bruxelles - Belgique, Union européenne
Dernière instance

09 novembre 2023
Positif
C’est à bon droit que l’ECHA, en retenant que le HFPO-DA était une substance persistante, mobile, avec un potentiel de transport à grande distance et des effets néfastes probables sur la santé humaines et l’environnement, l’a inscrite à l’annexe XIV en vertu de l’article 57(f) du règlement REACH.

Le 9 novembre 2023, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé la validité de la décision ED/71/2019 de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), du 4 juillet 2019 qui inclut l’acide 2,3,3,3‑tétrafluoro‑2‑(heptafluoropropoxy)propionique (ou HFPO-DA) dans la liste des substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement REACh.

Le règlement REACh a pour objet de réglementer les substances chimiques au sein de l’Union européenne, dans le but d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. L’annexe XIV du règlement liste les substances qualifiées d'extrêmement préoccupantes pour la santé humaine ou l’environnement, qui sont soumises à autorisation. Une substance est qualifiée ainsi dès lors qu’elle remplit les critères énoncés à l’article 57 du règlement.

L’inscription d’une substance à cette annexe entraîne deux conséquences : d’une part, la substance est soumise à une date d’expiration à partir de laquelle aucun usage ne sera autorisé à moins qu’une autorisation n’ait été délivrée par l’ECHA après un processus d’évaluation. D’autre part, l’inscription à l’annexe XIV s’accompagne de la détermination d’une date limite d’introduction des demandes d’autorisation, qui est la “date limite pour déposer un dossier de demande d’autorisation afin de pouvoir continuer à mettre sur le marché ou utiliser la substance après la date d’expiration, en attendant qu’il soit statué sur sa demande d’autorisation”.

Chemours Netherlands, une société établie au Pays Bas, importe et fournit du HFPO-DA, une substance utilisée dans le processus de fabrication de polymères fluorés. Cette technique de fabrication a été désignée par le nom commercial GenX. En mars 2019, les autorités des Pays Bas ont soumis à l’ECHA un dossier en vu de classer le HPFO-DA comme substance extrêmement préoccupante au titre de l’article 57(f) du règlement REACh. Ce dernier inscrit à l’annexe XIV “les substances - [...] qui ne remplissent pas les critères visés aux point d) ou e) - pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu’elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées aux points a) à e) [...]”. Les paragraphes a) à e) de l’article 57 permettent quant à eux d’inscrire à l’annexe XIV les substances identifiées comme étant cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (substances CMR) ; persistantes, bioaccumulatrices et toxiques (substances PBT) ou très persistantes et très bioaccumulatrices (substances vPvB).

Après avoir étudié la demande des Pays Bas, l’ECHA s’est prononcée pour l’inscription du HFPO-DA sur la liste des substances identifiées en vue de son inclusion à terme dans l’annexe XIV. Le 24 septembre 2019, Chemours a introduit devant le Tribunal de l’Union européenne (TUE) un recours visant à faire annuler cette décision. Le 23 février 2022, le TUE a rejeté la demande de Chemours (T-636-19), qui a alors fait appel de ce jugement devant la CJUE.

Pour rejeter la demande de Chemours, la CJUE retient que identifier une substance comme étant extrêmement préoccupante au titre de l’article 57(f), “il doit être établi, sur la base d’éléments scientifiques, d’une part, que cette substance peut avoir des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement et, d’autre part, que ces effets suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT ou vPvB). Ces conditions sont cumulatives [...]”. Cela suppose d’étudier les propriétés intrinsèques de la substance, mais également de prendre en considération d’autres facteurs pertinents dans l’évaluation du caractère équivalent du niveau de préoccupation.

A ce titre, le niveau de préoccupation équivalent peut être caractérisé dès lors que les effets de la substances sont suffisamment graves ou irréversibles. En se fondant sur une approche de force probante, l’ECHA est fondée à caractériser ce niveau de préoccupation équivalent sur une combinaison d’effets individuels qui, pris ensemble, permettent de considérer que les effets sont probables et graves. Par ailleurs, la liste de critères énoncée par l’article 57(f) pour identifier une substance comme extrêmement dangereuse, à savoir ses “propriétés perturbant les systèmes endocriniens [...] propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables” est indicative et non exhaustive, de sorte qu’il n’ait pas nécessaire qu’une substance présente l’ensemble de ces caractéristiques pour être qualifiée d’extrêmement dangereuse.

Ainsi, en l’espèce, c’est à bon droit que l’ECHA, en retenant que le HFPO-DA était une substance persistante, mobile, avec un potentiel de transport à grande distance et des effets néfastes probables sur la santé humaines et l’environnement, l’a inscrite à l’annexe XIV en vertu de l’article 57(f) du règlement REACh.

Si l’HPFO-DA n’est pas utilisé en tant que substance active dans les produits phytosanitaires, la décision de la CJUE n’est pas dénuée d’intérêt sur la question : en effet, l'HFPO-DA appartient à la famille des PFAS, des substances per- et polyfluoroalkylées qui font partie des “polluants éternels” (forever chemicals) et comme l’ont révélé les associations PAN Europe et Générations futures dans un rapport paru en Novembre 2023, de nombreux pesticides contiennent également des PFAS, sous forme de substances actives ou de résidus.