John D. Carson Contre Monsanto

4:17-cv-00237-RSB-CLR // 21- 10994
05 décembre 2017
Jugement définitif
États-Unis

Particuliers
John D. Carson
Monsanto
Ashleigh R. Madison

Civil
Herbicide, Glyphosate, Roundup
Reconnaissance de la responsabilité de la société Monsanto pour la maladie - histiocytome fibreux malin - du plaignant
Cour d'appel des États-Unis pour le onzième circuit, États-Unis
Appel

19 décembre 2022
Non renseigné
Non renseigné

Le 5 décembre 2017, John R. Carson, liant l'histiocytome fibreux malin (HFM) dont il était atteint, à son exposition régulière pendant 30 ans au glyphosate qu’il appliquait dans son jardin, principal ingrédient du Roundup, fabriqué par la société Monsanto, a intenté une action en justice contre cette dernière. La plainte fondée sur le droit de l’Etat de Géorgie porte quatre chefs d’accusation : elle allègue une responsabilité stricte pour défaut de conception (chef d'accusation I), une responsabilité stricte pour défaut de mise en garde (chef d'accusation II), une négligence (chef d'accusation III) et une violation des garanties implicites (chef d'accusation IV).

Dans une décision rendue le 21 décembre 2021, le Tribunal pour le district sud de Géorgie a rejeté la demande du plaignant, considérant que la plainte pour défaut de mise en garde (chef II) et violation des garanties implicites (IV) était préemptée en vertu de la Loi fédérale sur les insecticides, fongicides et rodenticides (FIFRA). L’argumentaire du défendeur selon lequel s’il avait placé des avertissements sur les risques de cancer sur les étiquettes de ses produits, alors même que l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA), qui a un droit de regard sur le libellé des étiquettes en vertu de la loi FIFRA, avait déclaré dans son évaluation que le glyphosate n’était pas susceptible d’être cancérigène et avait approuvé l'étiquette du Roundup, il serait entré en conflit avec les dispositions de cette même loi, est ainsi retenu. De plus, le tribunal de district a rejeté les chefs d'accusation I et III concernant la responsabilité stricte, le défaut de conception et la négligence, dans la mesure où ces réclamations portaient sur la manière dont le Roundup® était étiqueté ou emballé.

Carson a fait appel concernant le seul chef d’accusation II, conformément à un accord de règlement passé avec la société qui l’obligeait à rejeter les chefs d’accusation I et III. Il s’agissait donc pour les juges d’appel de déterminer si le tribunal de district avait commis une erreur en concluant que l’action de Carson pour défaut de mise en garde était préemptée par la FIFRA.

Dans un arrêt rendu le 12 juillet 2022, la Cour d'appel du 11eme circuit des Etats-Unis a infirmé la décision du Tribunal et l’a renvoyé. Elle a en effet jugé que la plainte de John R. Carson pour défaut de mise en garde n’était pas préemptée par la FIFRA. Pour ce faire, elle rappelle d’abord que la FIFRA et les mesures prises par l’EPA en vertu de la FIFRA peuvent prévaloir sur la législation d’un État, seulement si l’action fédérale a force de loi.

Concernant la procédure d’enregistrement de l’EPA pour les fabricants de pesticides cherchant à commercialiser leurs produits, la Cour explique qu’elle n’est pas suffisamment formelle pour avoir force de loi (au sens de la jurisprudence Mead) et elle ne prévaut donc pas sur la législation d’un Etat. Si l’EPA vérifie durant cette procédure la présence d’éventuelles violations de l’obligation de marquage sur les étiquettes proposées par les fabricants (par exemple, un défaut d’avertissement ou de mise en garde adéquat pour protéger la santé et l’environnement), l’EPA peut rater une étiquette mal étiquetée au cours de la procédure d'enregistrement et le fabricant peut a posteriori signaler de nouveaux effets sur la santé et l’environnement. Ainsi, un fabricant de pesticides ne peut pas invoquer l'enregistrement auprès de l'EPA pour se défendre d'une violation de l'interdiction de mise sur le marché en vertu de la FIFRA.

Concernant les exigences de la FIFRA en matière d’étiquetage qui sont légales, une action en défaut d’avertissement est préemptée par la FIFRA si 1) l’exigence de l’Etat vise l’étiquetage ou l’emballage et 2) si elle est supplémentaire ou différente aux exigences du FIFRA cf. 7 U.S.C. § 136v(b). Or, la Cour d’appel révèle que le défaut d’avertissement en vertu de la common law de Géorgie n’est ni différent ni supplémentaire à toute mesure prise par l'EPA qui a force de loi. Au contraire, elle impose une obligation moins contraignante qui ne portant que sur les seuls consommateurs non informés de la dangerosité. La FIFRA impose quant à elle une obligation générale, indépendamment des connaissances du consommateur, lorsque l'avertissement est nécessaire pour protéger la santé et l'environnement. Donc, l'action pour défaut d'avertissement en Géorgie ne fait qu'appliquer la cause d'action FIFRA, de sorte qu'elle n'est pas expressément préemptée.

Le 19 décembre 2022, la Cour d’appel a accueilli la demande de Monsanto en vue d’une nouvelle audition en banc. En vertu de la règle 35 du onzième circuit, l'octroi d'une nouvelle audience en banc a pour effet d'annuler l'opinion et le jugement antérieurs de cette cour et d'annuler la décision de la Cour d'appel.

Plusieurs mémoires en intervention (“amicus curiae”) à l’appui des deux parties ont été déposés, parmi lesquels l’ONG Public Citizen. Elle relève que l’'interprétation trop large du champ d'application de la FIFRA faite par Monsanto, si elle était adoptée par cette Cour, réduirait l'incitation des fabricants de pesticides à divulguer les risques de sécurité et priverait les consommateurs de réparation pour les blessures qu'ils subissent en raison de l'exposition à des pesticides dont les avertissements sont inadéquats.