Phyteis (ex UIPP) Contre Premier Ministre et al.

C‑514/19
01 octobre 2018
Jugement définitif
Union européenne, Luxembourg

Acteurs économiques
Union des industries de la protection des plantes (UIPP)
Ministère de la Santé et des Solidarités, Ministère de la transition écologique et solidaire, Ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche, ANSES, Premier Ministre
Bernard Fau, François Lafforgue, Hermine Baron

UE
Insecticide, Néonicotinoïde, Acétamipride, Clothianidine, Imidaclopride, Thiaclopride, Thiaméthoxame
Interpréter l’art. 5 de la directive UE 2015/1535 prévoyant une procédure d’information, ainsi que des articles 69 et 71 du règlement CE N°1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.
Cour de justice de l'Union européenne de Luxembourg, Union européenne
Question préjudicielle

08 octobre 2020
Positif
La CJUE conclut que la France est légitime à prendre cette interdiction considérée comme une mesure d'urgence, sous réserve de l'appréciation du Conseil d'Etat.

Par le décret n° 2018-675 du 30 juillet 2018, la France interdit l’utilisation de cinq substances actives de la famille des néonicotinoïdes: l’acétamipride, la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaclopride, le thiaméthoxame, en se fondant sur le quatrième alinéa de l'article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015 et non sur le règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009. Elle informe la Commission européenne le 2 février 2017 de ce projet. La Commission répond, le 3 août 2017, à la notification de ce projet. Elle interdit par ailleurs par trois règlements d’exécution du 29 mai 2018 (2018/783, 2018/784 et 2018/785) l’utilisation de trois de ces substances actives (l’imidaclopride, la clothianidine et le thiaméthoxame).

L’Union des Industries de la Protection des Plantes forme un recours pour excès de pouvoir à l’encontre du décret n°2018-675. Le Conseil d’Etat considère que la légalité dudit décret dépend de la question de savoir si la République française disposait, en vertu de l’article 71 du règlement n° 1107/2009, de la faculté d’adopter ce décret en tant que mesure d’urgence, après avoir procédé à une communication fondée sur la directive 2015/1535 et alors que la Commission avait adopté une série de mesures relatives à l’utilisation de certains des néonicotinoïdes visés par ledit décret. Dès lors, il sursoit à statuer le 28 juin 2019 jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) réponde aux questions préjudicielles qu'il lui transmet.

Par son arrêt du 8 octobre 2020, la CJUE juge que la communication, opérée au titre de l’article 5 de la directive (UE) 2015/1535, d’une mesure nationale interdisant l’usage de certaines substances actives relevant de ce règlement doit être considérée comme constituant une information officielle de la nécessité de prendre des mesures d’urgence, au sens de l’article 71, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1107/2009,
- (1) lorsque cette communication comporte une présentation claire des éléments attestant, d’une part, que ces substances actives sont susceptibles de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement et d’autre part, que ce risque ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante sans l’adoption, en urgence, des mesures prises par l’État membre concerné,
- (2) et que la Commission européenne a omis de demander à cet État membre s’il y a lieu de considérer que ladite communication constitue une information officielle au titre de l’article 71, paragraphe 1, du même règlement.

Elle a jugé, en outre, que les règlements d'exécution (UE) 2018/783, 2018/784 et 2018/785 de la Commission, relatifs aux conditions d'approbation des substances actives imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame, ne peuvent pas être considérés comme des mesures arrêtées par la Commission européenne, car il n’ont été adoptés non pas sur le fondement des articles 69 ou 70 du règlement 1107/2009, mais sur la base d’autres dispositions de ce règlement.

Enfin, elle considère que si, à la suite de l’information officielle d’un Etat membre de la nécessité de prendre des mesures d’urgence visant à interdire l’utilisation d’un produit ou d’une substance active, la Commission européenne s’abstient de prendre de telles mesures, un Etat membre peut prendre des mesures conservatoires provisoires jusqu’à l’adoption de mesures communautaires.

Suivant la réponse de la CJUE, le Conseil d'Etat français a rejeté le 12 juillet 2021 le recours en annulation formé à l'encontre du décret n°2018-675 (pour en savoir plus voir sur l'affaire sur notre site internet : 424627).