Luis Domingo Gómez Maldonado c. Institut Colombien d’Agriculture Référence : T-8.522.455 Date du dépôt : Non renseigné Statut : Jugement définitif Lieu de la juridiction : Colombie, Bogota Types de plaignants : Particuliers Noms des plaignants : Luis Domingo Gómez Maldonado Défendeurs : Autre, Ministre de l'Agriculture Avocat.es en faveur de la justice sanitaire et environnementale : Non renseigné Nature de l'affaire : Constitutionnel Particularités : Amparo Type(s), Produit(s), Substance(s) active(s) : Chlorpyrifos, Insecticide, Organophosphoré Demandes : Suspension immédiate des procédures d'enregistrement des produits à base de chlorpyriphos ; annulation dans un délai de six mois des enregistrements autorisés des produits contenant ; adoption dans un délais de six mois un plan d'urgence pour identifier des substituts écologiques aux produits contenant du chlorpyriphos. Nom de la juridiction : Cour constitutionnelle (Corte Constitucional) de Bogota, Colombie Degré de juridiction : Non renseigné Date de la décision : 06 juin 2023 Sens de la décision : Positif Dispositif de la décision : Par une ordonnance n°417 du 24 mars 2023, publiée à la Gazette Officielle de la Colombie le 6 juin 2023, la Cour constitutionnelle de Colombie a rejetté la requête de de l’Institut Colombien d'Agriculture (Instituto Colombiano Agropecuario - ICA) en date du 25 janvier 2023, visant à obtenir des clarifications et extensions de délais sur la prise d’effet de la décision T-343 rendue le 5 octobre 2022, par laquelle la Cour constitutionnelle avait ordonné l'interdiction immédiate de l’utilisation du Fondements juridiques : Décision juridique : Lien vers la décision Résumé de l'affaire : Par une ordonnance n°417 du 24 mars 2023, publiée à la Gazette Officielle de la Colombie le 6 juin 2023, la Cour constitutionnelle de Colombie a rejetté la requête de de l’Institut Colombien d'Agriculture (Instituto Colombiano Agropecuario - ICA) en date du 25 janvier 2023, visant à obtenir des clarifications et extensions de délais sur la prise d’effet de la décision T-343 rendue le 5 octobre 2022, par laquelle la Cour constitutionnelle avait ordonné l'interdiction immédiate de l’utilisation du chlorpyriphos, un pesticide neurotoxique et perturbateur endocrinien. La décision marque la fin du contentieux initié par Luis Domingo Gómez Maldonado, un professeur de droit spécialisé dans la protection des droits humains et des animaux, en vue de demander la suppression des homologations des produits phytosanitaires à base de chlorpyrifos et leur substitution, au motif que ces homologations portaient atteinte atteinte au droit à la vie et à la santé de sa fille, mais également de tou.tes les enfants et adolescant.es colombien.nes et des générations futures, et ce, en violation du principe de précaution. Dans une décision de première instance du 3 septembre 2021, le troisième tribunal pénal de Bogota avait déclaré l’action irrecevable en ce que, d’une part, l’existence d’un préjudice irrémédiable n’était pas établi, et que le demandeur n’avait pas intérêt à agir pour l’ensemble des enfants, adolescent.es et générations futures colombien.nes et que, d’une part, aucune preuve n’avait été apportée pour démontrer qu’une atteinte au droit à la santé pouvait être identifiée. Luis Domingo a fait appel de cette décision, mais la Chambre pénale du Tribunal de grande instance de Bogota l’a confirmé le 13 octobre 2021. Le demandeur avait donc saisi la Cour constitutionnelle d’un recours d’amparo (contrôle de constitutionnalité). Après avoir conduit une instruction, la Cour a répondu le 5 octobre 2022 aux moyens soulevés par le demandeur, à savoir une atteinte au droit à la vie et à la santé (I), et la violation du principe de précaution en matière de protection de la santé (II). Elle a finalement déclaré le recours de Luis Domingo recevable et fait droit à sa demande (III). I) Sur l’atteinte au droit à la vie : La Cour constitutionnelle relève que le droit à la santé est reconnu tant par le droit interne que par le droit international en vertu, notamment, du Pacte international relatif aux droits économique, sociaux et culturels (PIDESC) et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). La protection accordée au titre de ce droit doit être large et contient une dimension préventive. Il s'agit de donner “la possibilité pour les personnes de mener une vie qui leur permette de jouir du plus haut niveau de bien-être physique, mental et social.” En ce sens, la Cour note que les effets nocifs des pesticides pour la santés humaines ont été identifiés à plusieurs reprises à l’échelle internationales, en particulier par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), par le rapporteur spécial sur les substances toxiques et les droits de l’homme, et par le Comité pour les droits de l’enfant. Elle relève également que la Déclaration de Rio, la Convention de Stockholm, la Conférence internationale sur la gestion des produits chimiques et le code de conduite international sur la gestion des pesticides de l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) tendant également, dans une approche de précaution, à mieux protéger la santé humaine des effets dangereux des pesticides. Pour la Cour, il résulte de ce constat que les États ont des obligations positives en matière de protection du droit à la santé des personnes et, en particulier, des enfants et des adolescents, face aux risques liés à l'exposition à des substances toxiques. 2) Application du principe de précaution comme règle d’interprétation : La Cour souligne que le principe de précaution ne s'applique pas uniquement en matière environnementale, mais également en matière de santé humaine et l'utilise comme une règle d'interprétation. Elle examine par ailleurs l’existence d’un risque potentiel de préjudice irrémédiable en ayant recours à une approche de droit comparé. Elle se réfère notamment aux travaux de l’Agence américaine de Protection de l’Environnement (APE) et de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui mettent en évidence les différents risques du chlorpyriphos pour le système neurologique et vasculo-cérébral, ainsi que les effets neurodéveloppementaux chez les enfants. Elle note également que des études réalisées au début du XXIème siècle avaient déjà identifié certains de ces risques. Pour la Cour, cela indique qu'il existe des preuves suffisantes que l'exposition à cette substance de manière permanente ou répétée à des effets néfastes sur la santé humaine. III) Recevabilité et bien-fondé du recours : La Cour retient l’existence d’un préjudice irrémédiable causé aux enfants, adolescent.es et générations futures colombien.nes, qui permet de fonder l'intérêt à agir de Luis Domingo. En application du principe de précaution en matière de santé, et après avoir déterminé l’existence d’une atteinte au droit à la santé, la Cour constitutionnelle statue que l’ICA, n’a pas été suffisamment diligent dans son obligation de protection de la santé humaine, notamment en ce que la réglementation adoptée n’a pas été mise à jour des nouvelles normes et connaissances scientifiques internationales. La Cour constitutionnelle décide finalement d’enjoindre à l’ICA de prendre les mesures administratives nécessaires pour suspendre immédiatement la mise sur le marché de produits chimiques agricoles contenant le composant actif chlorpyrifós et pour éliminer définitivement l’utilisation du chlorpyriphos. Références scientifiques : Aucune référence scientifique n'est enregistrée pour cette affaire. Liens annexes : Article de presse, Agropages (2023) Communiqué de presse, Avocat Holland&Knight (20 décembre 2022) Article de presse, Essence (21 juillet 2023)