Claude Le Guyader c. Eureden

RG 21/00370
02 juillet 2019
Jugement définitif
France, Rennes

Travailleurs agricoles/ruraux
Claude Le Guyader
Entreprise, Nutrea Nutrition Animale (N.N.A), Eureden (ex Triskalia)
François Lafforgue

Civil
Tous
Infirmer le jugement par lequel le Tribunal judiciaire de Saint Brieuc a débouté Claude Le Guyader de sa demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de son employeur dans la survenue de sa pathologie reconnue d’origine professionnelle
Cour d'appel de Rennes, France
Appel

15 novembre 2023
Positif partiel
La Cour dit que la maladie “pneumopathie d’hypersensibilité” dont est atteint M.Le Guyader est due à la faute inexcusable de la société Nutrea Nutrition Animale ; ordonne la majoration maximale de la rente servie à M. Le Guyader sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 25 % (...)

Dans un arrêt du 15 novembre 2023, la Cour d’appel de Rennes a reconnu la faute inexcusable de l'entreprise bretonne Nutrea Nutrition Animale (NNA), filiale de Triskalia (devenue Eureden) pour la maladie “pneumopathie d’hypersensibilité” dont est atteint Claude Le Guyader, ancien employé de l’entreprise.

Claude Le Guyader, durant son activité professionnelle de chauffeur livreur puis d’agent de nettoyage de séchoirs de céréales, a été mis en contact avec des poussières de céréales et des produits organophosphorés. En 2012, il est déclaré inapte par son médecin de travail du fait de son état de santé. Après avoir refusé les propositions de reclassement au sein de la société, il est licencié un an plus tard.

Par un arrêt du 14 mars 2018 de la Cour d’appel de Rennes, il obtient la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, et donc la prise en charge de celle-ci par la caisse de Mutualité sociale Agricole d’Armorique.

Par une décision du 24 octobre 2019 du Conseil des Prud’Hommes de Guingamp, la société NNA est condamnée à payer à Claude Le Guyader, la somme de 26.592 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 16.221 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, ainsi que de 20.000 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi.

En parallèle de cette action, Claude Le Guyader avait également saisi le Tribunal judiciaire de Saint-Brieuc pour engager la responsabilité de la société NNA dans la survenue de sa pathologie désormais reconnue comme étant d’origine professionnelle, mais a été débouté de sa demande le 10 décembre 2020. Il a alors interjeté appel de ce jugement devant la Cour d’appel de Rennes.

Si la Cour d’appel fait droit à la demande de Claude Le Guyader, la faute inexcusable de NNA n’est pas retenue du fait de son exposition à des produits organophosphorés, mais du fait de l’insuffisance des mesures de sécurité prises par l’entreprise pour le protéger contre l’inhalation de poussières de céréales.

En effet, la CA retient que, conformément au rapport médical qualifiant la pathologie de M. Le Guyader comme maladie professionnelle, l’origine de sa pathologie est due à une exposition à “différents aéro-contaminants (poussières de céréales et micro-organismes essentiellement)”. En ce qui concerne son exposition aux pesticides, un rapport médical de 2010 fait état d’un “diagnostic final probable [...] d’une pneumopathie accidentelle toxique aux organophosphorés.” Pour la CA, “ces éléments comportent des précautions de langage” qui ne permettent pas d’établir de manière suffisante un lien entre l’exposition alléguée et le développement de la pathologie. La faute inexcusable de la société n’est donc pas reconnue sur ce point.

En ce qui concerne l’exposition de M. Le Guyader aux poussières de céréales, la Cour relève que si des masques de protection lui ont été fournis par NNA, le document unique d’évaluation des risques du régime agricole préconisait le port d'une cagoule ventilée. Il est ainsi démontré que la société NNA était consciente des risques pour la santé de l'inhalation de poussière de céréales, et que les mesures prises pour protéger la santé du salarié étaient insuffisantes, de sorte que sa responsabilité pour faute inexcusable est engagée sur ce fondement.

La Cour d’appel ordonne en conséquence une expertise et de surseoir à statuer sur la liquidation du préjudice jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.